Pourquoi et comment protéger sa marque efficacement ?

En 2022, on dénombrait pas moins de 1 071 900 créations de nouvelles entreprises… contre 94 545 de marques déposées seulement*.

Si on calcule le ratio, cela signifie que moins d’un entrepreneur français sur 10 penserait à déposer sa marque au moment de la création d’entreprise.

Le dépôt de marque, c’est le grand oublié des formalités administratives. Et on peut le comprendre. Entre le dépôt de capital, la rédaction des statuts et l’immatriculation auprès du Guichet unique, le chemin pour créer son entreprise est déjà suffisamment long et complexe… Les entrepreneur(e)s ne souhaitent pas s’encombrer de démarches supplémentaires (d’autant plus que le dépôt de marque est purement facultatif).

Et pourtant, cette négligence peut coûter (très) cher à l’entreprise. Contrefaçon, remise en cause de l’identité visuelle et de la communication de l’entreprise… Les conséquences sur le long terme peuvent être particulièrement dommageables.

Qu’est-ce qu’une marque ? Pourquoi est-il si important de la protéger ? Quels sont les risques en cas d’oubli ? Et comment procéder au dépôt, étape par  étape ?

Nous faisons le point dans cet article.

Une marque, c’est tout simplement un signe distinctif qui permet d’identifier les produits ou les services d’une entreprise aux yeux des consommateurs.

Elle peut prendre la forme :

• d’un nom ;
• d’un logo ;
• d’un slogan.
  
  

Dans la majorité des cas, il s’agit d’un nom. On parle alors de marque verbale.

Pour être valable, cette marque doit remplir trois critères.

• Elle doit être licite, c’est-à-dire conforme à l’ordre public et aux bonnes mœurs. Les termes injurieux, racistes, incitant à la haine, etc. sont proscrits.
  
  
• Elle doit être disponible. Autrement dit, aucune autre entreprise ne doit déjà avoir un droit de propriété sur la marque. Par exemple : vous ne pouvez pas utiliser « Qonto » pour proposer des services financiers… C’est trop tard, nous sommes déjà titulaires de la marque !
  
  
• Elle doit être distinctive. Selon ce principe, vous ne pouvez pas utiliser des termes génériques ou usuels pour désigner ce que vous vendez. Par exemple : une marque « piscine » pour vendre des piscines ou « orange » pour vendre des agrumes. À l’inverse, la célèbre entreprise « Orange » a pu déposer sa marque pour proposer des services de téléphonie et de communication : ici, la marque est bien distinctive, car elle ne désigne pas ce que l’entreprise vend.

La marque offre un droit de propriété à son titulaire. Autrement dit, celui-ci bénéficie d’un monopole d’exploitation : il est le seul à pouvoir l’utiliser dans son secteur d’activité. Mais attention : pour bénéficier d’un droit de propriété sur une marque, il ne suffit pas de l’utiliser, il faut la déposer auprès d’un Office marque compétent.

Certain(e)s entrepreneur(e)s sont réticent(e)s à déposer leur marque, pensant que la dénomination sociale de leur société est suffisante pour les protéger en cas de difficulté.

Et il est vrai que la dénomination sociale (le nom de la société) offre une certaine protection. Toutefois, il ne s’agit pas d’un droit de la propriété industrielle et sa protection est moindre.

Par exemple, la dénomination sociale ne vous donne pas le droit d’agir en contrefaçon devant les tribunaux.

Nous venons de le voir : sans enregistrement, un entrepreneur ne dispose d’aucun droit sur sa marque, et ce même si nous l’utilisons depuis des années.

Il est donc crucial de le faire, pour deux grandes raisons :

• protéger son entreprise, notamment contre les actions des tiers qui pourraient remettre en cause notre identité visuelle et notre communication ;
• agir et se prémunir contre les risques de contrefaçon.

Souvent, les entrepreneur(e)s qui lancent leur entreprise déploient des efforts considérables pour trouver le nom, le logo, le slogan parfait. Celui qui incarne au mieux leur projet et leurs valeurs. Pourtant, ils oublient une chose essentielle : le protéger.

Or, cet oubli peut avoir des conséquences dramatiques sur l’entreprise, son identité visuelle et sa communication.

Parce qu’un exemple est toujours plus parlant que la théorie, prenons un cas concret pour bien comprendre ce que cela implique.

Camille est passionnée par l’univers de la bijouterie. Elle vient de créer sa petite entreprise de bijoux faits main. Elle propose une gamme de boucles d’oreilles et de bracelets qu’elle a nommée Nola. Ce nom est gravé derrière chacune des pièces et figure sur tous les supports de communication (compte Instagram, site internet, brochure, campagnes de publicité en ligne, cartes de visite…)

Au fil des années, l’entreprise de Camille connait un certain succès. Il faut dire qu’elle a consacré toute son énergie au développement de son activité, et ses efforts ont porté leurs fruits.

Mais un jour, elle reçoit une lettre qui provient d’un cabinet d’avocats. Aïe : c’est une lettre de mise en demeure. Un grand groupe de prêt-à-porter vient de lancer une collection de bijoux et la collection s’appelle aussi Nola. Il est titulaire d’une marque déposée auprès de l’INPI. En vertu de son droit de propriété, il lui demande de cesser toute utilisation de la dénomination Nola et de supprimer toute référence à ce terme sur ses produits et supports de communication. Il la menace même de poursuites en justice si elle ne s’exécute pas rapidement.

Malheureusement, Camille n’a pas de recours, car elle n’avait pas déposé sa marque. Elle doit changer de nom au plus vite et supprimer toutes les mentions à Nola. Une grande partie de son travail de communication s’écroule… C’est une perte de temps, d’énergie et d’argent pour l’entreprise.

C’est pour éviter ce genre de situations (malheureusement très fréquentes) qu’il est indispensable d’enregistrer sa marque dès le lancement de son entreprise. Bien que cette démarche soit facultative, elle n’en demeure pas moins nécessaire pour sécuriser sa communication et pérenniser son projet d’entreprise.

Il faut garder en tête que l’utilisation d’un nom de marque ne nous donne pas de droit sur celui-ci. Seul l’enregistrement compte.

L’enregistrement d’une marque permet également à l’entreprise de se prémunir contre la contrefaçon.

La contrefaçon, c’est la reproduction d’un droit de la propriété intellectuelle sans l’autorisation de son propriétaire.

Or, si vous n’avez pas déposé votre marque, vous n’êtes pas propriétaire. Et sans propriété, il n’y a pas de contrefaçon.

Encore une fois, l’enregistrement de sa marque reste la façon la plus efficace pour se prémunir contre l’utilisation par un tiers de votre signe. C'est pour cette raison qu'il est conseillé de le faire dès le début de son projet d'entreprise. 

Avant d’enregistrer sa marque, il faut bien comprendre une chose importante.

Une marque est seulement protégée pour une ou plusieurs catégories de produits ou de services.

Par exemple, l’entreprise Apple a déposé plusieurs marques Apple. Mais ces marques sont protégées pour des services de téléphonie, de télécommunication, multimédias. Ceci signifie qu’un titulaire tiers peut tout à fait déposer une marque Apple pour vendre des produits ou des services totalement différents, comme des produits cosmétiques par exemple.

La protection de la marque se limite à une ou plusieurs catégories de produits ou de services. La portée de la protection de la marque est précisée dans ce que l’on appelle le libellé.

Pour rédiger votre libellé, il faut :

• faire le point sur ce que vous vendez et/ou projetez de vendre ;
• puis classer ses produits et services en fonction de la classification internationale dite « Classification de Nice »

Ces classes, numérotées de 1 à 45, regroupent toutes les typologies de produits ou de services.

Par exemple :

• les produits cosmétiques et d’hygiène correspondent à la classe 3
• la joaillerie, les métaux précieux correspondent à la classe 14 ;
• les services bancaires et d’assurances correspondent à la classe 36, etc.
  
  

À chaque catégorie de produits ou de services, sa classe spécifique.

De la même façon, il faut avoir en tête que lorsque nous déposons une marque en France, elle ne sera protégée qu’en France. Pour la plupart des entrepreneur(e)s, cette protection est suffisante.

Mais si vous projetez de vous internationaliser et de vous implanter sur le marché suisse ou australien par exemple, il faudra déposer votre marque sur ce territoire.

Nous l’avons vu au début de l’article : pour qu’une marque soit valide, elle doit être disponible. Autrement dit, avant d’enregistrer votre signe, vous devez bien vérifier que personne ne soit déjà titulaire d’une marque identique ou similaire pour une même catégorie de produits ou de services. Pour cela, il convient de faire ce que l’on appelle une recherche d’antériorité.

Cette recherche s’effectue en deux temps.

Tout d’abord, il faut commencer par une recherche à l’identique.

Ici, il s’agit de vérifier qu’il n’existe pas de marque identique à la vôtre dans les mêmes classes. Pour cela, vous pouvez consulter la base de données mise en ligne par l’INPI.

• rendez-vous à l’adresse https://data.inpi.fr puis cliquer sur « recherche avancée » et sur l’encart « marques » ;
• renseigner le nom de la marque vous souhaitez déposer ainsi que la classification correspondant à vos produits ;
• valider le formulaire.
  
  

Si aucun résultat ne ressort de la recherche, c’est positif. Il y a de fortes chances que la marque soit disponible. En revanche, si des résultats identiques (ou très similaires) apparaissent, mieux vaut opter pour le dépôt d’un autre signe.

Une fois la recherche à l’identique, il convient de faire une seconde recherche que l’on appelle la recherche de similarités. Il s’agit ici de vérifier qu’une aucune marque antérieure ne ressemble à la vôtre d’un point de vue visuel et phonétique. Cette recherche est plus complexe et prend beaucoup de temps. Il est conseillé de faire appel à un cabinet de conseil industriel ou à un avocat. Ces derniers sont équipés de tous les outils et logiciels nécessaires pour identifier les marques similaires dans les différentes bases de données. Ils seront aussi à même d’interpréter les résultats et de vous indiquer si oui ou non, il y a un risque à déposer la marque.

Vous pouvez également demander à l’INPI de faire cette recherche.

Vous avez accompli toutes les étapes que nous venons d’évoquer ? Félicitations, le plus dur est derrière vous. Le dépôt de la marque n’est plus qu’une simple formalité.

Il vous suffit de remplir le formulaire en ligne disponible sur le site de l’INPI en précisant bien :

• le signe que vous souhaitez protéger ;
• votre libellé (les produits et les services que vous vendez ainsi que la ou les classes correspondantes).

Le dépôt d’une marque auprès de l’INPI coûte 190 € pour une seule classe, puis 40 € par classe supplémentaire.

Une fois le formulaire déposé, votre marque est ensuite publiée dans ce que l’on appelle le Bulletin Officiel de la Propriété Industrielle (BOPI).

Votre dépôt de marque devient alors public. Les tiers disposent d’un délai de 2 mois pour former une opposition à l’encontre de celui-ci, s’ils estiment qu’ils ont des droits antérieurs. (Par exemple : ils ont une marque identique ou similaire pour une même catégorie de produits ou de services)

S’il n’y a aucune opposition durant ce délai, votre marque est officiellement enregistrée. Vous disposez alors d’un droit de propriété sur celle-ci, et vous seul(e) pouvez l’utiliser dans votre secteur d’activité.

Sachez qu’une marque est enregistrée pour une durée de 10 ans. Passée cette échéance, il faudra penser à la renouveler auprès de l’INPI.

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Sources : INSEE et INPI